mercredi 9 avril 2014

Vitrine des souvenirs : tous les épisodes


Tous les épisodes jusqu'à ce jour


1
Bouillon du matin

          Le ciel gris et les gouttes de pluie s’écrasant sur la vitre du velux formaient un ensemble désagréable semblable à l’humeur de Serena à son réveil.

          Encore sous l’influence d’un rêve étrange, irritant, la laissant pantoise quant aux souvenirs qui resurgissaient, elle se demandait ce qui pourrait bien l’apaiser. Comment colmater la tranchée béante des anciens dilemmes qui mettaient en évidence, avec effroi, la non guérison d’une blessure provoquée par la trahison de Nelson, son mari. La journée risquait d’être peau de chagrin.

          La douleur, quoique amenuisée après trente ans n’avait pas disparue, pas davantage la colère encore éprouvée, colère qu’elle n’avait pu exprimer autrefois tant elle se retrouva tétanisée par l’évènement. Etait-ce une nouvelle torture ? La fin de la paix de l’âme ? Les questions revenaient en force parce qu’elle culpabilisait d’avoir ignoré les indices précurseurs. Damnation ! Les maux de tête se profilaient à l’horizon et dressaient une barrière à sa bonne humeur matinale habituelle. Décision ? Faire front, combattre ces idées négatives. Inutile de prier le Divin, un travail sur elle-même était la seule solution.

          De son côté Nelson savait qu’il devait se sortir des emmerdements que lui causait cette ancienne aventure. Trente ans que Serena le serinait avec la douleur qu’il avait provoquée. A la moindre occasion elle lui faisait remarquer que leur intimité mourrait doucement à cause de lui. Qu’il n’était plus créatif comme au début de leur mariage. Mais à lui aussi la routine pesait ! Elle ne faisait plus le moindre effort, elle l’oppressait avec ses scènes de jalousie. Leurs relations étaient au ralenti et subissaient des pannes à répétition parce qu’il sentait bien qu’elle avait plus envie de bailler aux corneilles que de faire un geste pour l’aider. Ses soupirs n’étaient que de la comédie, pensait-elle qu’il allait éternellement zigzaguer entre les mensonges et les fausses excuses sans réagir ?

          La fatigue morale s’installait de jour en jour. Il n’en pouvait plus. Attablé devant un verre de whisky, le regard vide, les traits figés et dans un état de morosité extrême il venait cependant de prendre une décision. Son patron lui avait proposé un poste à l’étranger. Ce projet était une formidable opportunité.  Il devait en parler à Serena sans plus attendre. L’atmosphère étouffante de la maison l’incita d’abord à s’aérer le cerveau et le physique. Il enfila son jogging quand Serena lui dit d’un air soupçonneux : Vas-tu sortir avec cette pluie ? Où était le drame ? Il s’abriterait sous le xyste du gymnase !

2
Investigations douloureuses

          En voyant sortir son mari alors que l’averse redoublait de force, Serena se dit « Qu’a-t-il donc dans la tête en ce moment ? ». Après toutes ces années voilà qu’elle replongeait dans le gouffre de la jalousie. Son époux dirait qu’elle n’en était jamais sortie.

          Son inquiétude provenait de l’attitude étrange de celui-ci depuis quelques semaines. Le regard fixe, sombre, comme s’il se trouvait ailleurs, il ne lui répondait que par monosyllabe. Les crampes d’estomac devenaient de plus en plus fortes. Elle connaissait bien cette désagréable sensation qu’elle éprouvait en prémonition de chaque mauvaise nouvelle. En voyant le mobile de son mari sur le buffet une idée germa dans son esprit : Pourquoi ne pas consulter les appels de Nelson ? Non, Il pouvait rentrer et la surprendre et là, il était clair que la dispute serait violente ! Internet ? Oui bien sûr ! Elle avait le mot de passe du site de son compte pour avoir commandé le nouveau téléphone le mois dernier. Nelson disait ne pas savoir le faire, le pc étant pour lui une énigme tout comme l’envoi de SMS de son portable.

          La chasse aux informations commençait. Bonne ou mauvaise pioche ? Un numéro de mobile revenait souvent  et un appel sur le répondeur ! Elle tremblait en écoutant le message « Hello beau ténébreux, as-tu parlé à ton asociale Serena ? Rappelle-moi ». Elle devait absolument connaître l’identité de l’interlocutrice ! Elle consulta l’annuaire inversé et le message d’accueil du numéro composé : « Vous êtes bien chez Florence, je vous rappelle dès mon retour ». Florence! La collègue de Nelson ! Elle fixa l’écran comme hypnotisée, Nelson, lui avait envoyé un SMS suite à cet appel ! Et il prétendait ne pas être capable de cette manipulation ! Elle revoyait son air grandiloquent quand il l’accusait de ne pas lui faire confiance ! Quel comédien !

          Un autre chapitre se rajoutait au roman de sa vie, un nouvel acte d’une pièce dramatique sur la scène du théâtre de son existence. Scénariste impuissante de son propre film, incapable de faire une adaptation sensée avec les nouveaux éléments elle s’effondra en larmes. Elle fixa la photo de mariage et soudain tout se mit à tourner, une douleur atroce dans la poitrine puis… Plus rien…

          Nelson, prêt pour l’affrontement, entra chez lui d’un pas décidé. Ne voyant pas Serena il prit son portable et retourna dehors pour envoyer un message à Florence. « Je confirme, j’accepte, à toi de savoir ce que tu veux, je serai au bureau cet après-midi »

          Il retourna dans la maison et appela sa femme. Sa voix caverneuse et forte n’eut cependant aucun écho. Où diable se trouvait Serena ? Pas davantage devant l’ordinateur, vraiment très étrange ! Il avança dans la pièce… Mon Dieu Serena ! Elle gisait sur le tapis, inconsciente et d’une pâleur cadavérique. Il chercha son pouls, très faible mais elle vivait ! Quelques minutes plus tard, les pompiers la prenaient en charge, diagnostic : crise cardiaque !


3
Enigme et nostalgie

          Nelson ne put monter dans l’ambulance alors il décida de la suivre avec sa voiture. Le front posé sur le volant il se sentait moralement épuisé, son départ vers d’autres rivages semblait contrarié. Comment pourrait-il accepter cette mutation avec ce dernier évènement ? Il appela Florence et d’une voix lasse : « Je ne viendrai pas cet après-midi, Serena a eu un malaise… »  D’abord un silence lourd puis la réponse « Il ne faut pas te sentir responsable, c’était sûr que la nouvelle la bouleverserait… ».  Bien plus compliqué, il n’avait pas eu le temps de la mettre au courant.  Le feras-tu ? Etait-elle inhumaine à ce point ? Pas envie de tergiverser davantage, il s’inquiétait trop pour Serena alors il raccrocha.

          Suite aux premiers examens de Serena, les dires du médecin : Elle est très faible,  nous contrôlons à présent son rythme cardiaque mais le pronostic est réservé, vous pouvez la voir mais sachez que la moindre émotion forte pourrait lui être fatale. Le cardiologue était-il devin pour lui donner un tel conseil 
?
          Quand Nelson la vit sur ce chariot d’urgence, les épaules nues, le corps truffé de pastilles blanches reliés à des fils et caché sous un drap aussi blanc que son visage il ressentit un immense froid dans la poitrine. Elle ouvrit les yeux et murmura avec peine : je suis fatiguée de… Chut, elle ne devait pas parler, juste se reposer, il était là… Elle continua : tu as recommencé…. Puis ferma les yeux. L’appareil se mit à sonner.

          Après l’alerte, le médecin demanda à Nelson, de façon un peu brusque, de rentrer chez lui, pour l’instant sa patiente avait besoin de calme complet. Nelson Courtois n’eut pas la force de répliquer, il nageait dans l’inconnu, que signifiait la dernière phrase de sa femme ?

          Il se sentit misérable en entrant dans la maison vide. Il  avertit les enfants puis ouvrit le réfrigérateur sans savoir ce qu’il cherchait, l’esprit complètement ailleurs. Il s’allongea sur le canapé et, dans un semi coma, partit dans le passé. La nostalgie et le remord le gagnaient.

         En 1968, sortant de son bureau, il vit Serena, elle traversait l’asphalte sous une pluie battante en plein d’orage. La vision de la jeune fille était comme surnaturelle  sous le ciel assombri par de gros cumulus et les lueurs orange d’un réverbère électrique tout embué. Il eut pitié de la gracile silhouette en tailleur léger et s’approcha avec son parapluie. Cela ne fit aucune différence car elle était déjà trempée jusqu’aux os. Elle attendait l’autobus qui la ramènerait chez elle au Sablon, un quartier de Metz, et malheureusement, l’arrêt du car n’était pas protégé et rien autour pour se s’abriter. Il pouvait l’accompagner en voiture…. Elle hésita… Puis accepta car elle commençait à frissonner dans ses vêtements mouillés. A part son adresse, elle ne dit pas un mot durant le trajet. A la fin du parcours : merci infiniment monsieur. Pas monsieur mais  Nelson. Elle : et moi Serena.

          Nelson sourit à cette évocation, c’était beau mais si désuet aujourd’hui ! Quelle fille monterait dans la voiture d’un homme en toute insouciance en 2014 ! Il oublia le présent et fit appel à nouveau à sa mémoire…

          Avec Serena il partait de découverte en découverte. Ils avaient énormément de points communs : le goût pour l’évasion par la musique classique, les films romantiques, la peinture et surtout la même vision de l’existence à deux.  Ils se marièrent et eurent deux enfants, un garçon, Kevin, et une fille, Sophie.  Pourquoi avait-il fallu qu’après treize ans de vie commune il se laissât tenter par une aventure chimérique et sans lendemain ? Et surtout pourquoi avait-t-il eu besoin de tout raconter à Serena de peur qu’elle ne l’apprenne par la maîtresse devenue harcelante ? Une erreur de parcours qui coûta très cher à leur couple ! Le soleil avait disparu du regard de Serena. Elle lui avait jeté l’alliance et la bague sertie d’une améthyste à la figure,  avait pris ses distances et, pendant très longtemps, Nelson abandonna toute action de réconciliation.
          Ici, à ce moment précis de la remémoration, le portable de Nelson retentit. Ce n’était qu’un message de son opérateur… Il le relut plusieurs fois, ne comprenant pas tout de suite, puis… 

  
4

Découverte et colère

          Serena ! Ce ne pouvait être qu’elle… bien sûr ! Voilà la raison de sa dernière phrase ! Elle avait consulté son compte sur Internet ! S’était-elle imaginé, qu’il avait une liaison avec Florence ! Pouvait-il la blâmer ? Il fallait absolument remettre les pendules à l’heure, il ne pouvait la laisser croire une telle chose.

            Il savait que Florence avait un faible pour lui, mais ce n’était qu’une amie, la fille de son patron, à qui il avait confié un jour de spleen ses soucis et réflexions sur sa vie. Jamais il ne fut question du moindre rapprochement.

           Il enfila son manteau, il devait absolument parler à Serena et lui dire la vérité. Lorsqu’il ouvrit la porte, il se trouva face à Florence. Elle le fixa un moment et : Regardez-le ce grand dadais qui court vers sa femme alors qu’il voulait tout quitter !  Avant qu’il ne pût répondre elle continua : Et tu crois que je vais te laisser faire sans broncher ! J’ai passé des heures à t’écouter, à faire des projets et tu ficherais tout par terre pour un simple malaise de ton hystérique de femme !

          Devenait-elle dingue ? Il s’interrogeait : qu’est-ce qui avait pu amener sa collègue à une telle supposition ? Une simple soirée de confidences  où après un repas sommaire il avait raconté sa vie ? Les reproches injustifiés le mirent en colère. Tu as une imagination débordante, entre nous il n’y a et il n’y aura que de l’amitié bien que je doute de la tienne maintenant ! Elle s’accrocha à son cou mais il la repoussa brutalement. Elle hurla avant de s’en aller : Je me vengerai ! Tu vas payer pour ce que tu viens de me faire ! Bon sang, il n’avait pas besoin de cette nouvelle complication !

          Florence était une très jolie femme dans la quarantaine aux cheveux blonds courts et à la silhouette affriolante et voyante de surcroît, mais il n’avait aucune attirance pour elle. De plus il était son aîné de vingt cinq ans ! Il préférait le corps élancé de sa femme, ses cheveux châtains avec quelques mèches blanches laissées par les années mais qui n’enlevaient rien de sa beauté latino. De parents brésiliens, mais née en Lorraine, elle avait hérité leur peau mate, les cheveux presque noirs et les yeux très sombres aux longs cils recourbés la faisant ressembler à une poupée.

          Les enfants, Kévin et Sophie étant arrivés, ils partirent tous dans la voiture de Nelson. Durant le trajet assez long vers la clinique, depuis la rue Castelnau jusque sur le site de Mercy où avait déménagé l’ancien hôpital Notre-Dame de Bon Secours devenu CHR Metz-Thionville, personne ne dit mot, l’anxiété se ressentait pleinement dans ce silence humain. La radio annonçait les prochaines réunions sportives de la Fifa. Nelson pensa « Ils vont encore nous parler de ces athlètes qui se dopent » du coup il tourna le bouton.

         Les remords s’installaient de plus en plus dans l’esprit de Nelson. L’attraction de son égo fut considérable ces derniers temps, au point qu’il en avait oublié combien il aimait sa femme. Quel gâchis quelques jours avant leur quarante troisième année de mariage ! Comment avait-il pu envisager de la quitter en partant six mois à l’étranger ? Si l’on pouvait faire la météo de leur mariage, les trente dernières années seraient sous le signe de la pluie et du beaux temps, avec un maximum de gros cumulus, une bataille aérienne de bonnes et mauvaises ondes, alors que les premières années étaient au beau fixe.

          Lorsqu’ils arrivèrent au service des soins intensifs, une infirmière les reçut  très embarrassée…





5
Incompréhension

          L’air gêné de l’infirmière intrigua toute la famille, y avait-il du nouveau au sujet de la santé de Serena ? Elle ne put répondre, un homme assez imposant s’avança :

          Monsieur Courtois ? Je suis le commissaire Perlicchi, nous avons à parler

          Pourquoi la police s’était-elle déplacée ? Y avait-il un problème avec sa femme ? 

          C’est justement ce que nous voulons savoir…

          Serena aurait-elle dit qu’il était la cause de son malaise ?

          Non pas du tout… Elle a disparue….

          Quoi ? Les deux enfants tremblaient, leur mère ne pouvait avoir quitté la chambre, elle était trop faible ! Nelson en avait le souffle coupé !

          Le commissaire les regardait tour à tour. L’incompréhension se lisait sur tous les visages. Il connaissait bien la chanson mais là ils semblaient tous sincères. Nelson complètement abasourdi et furibond se tourna vers le médecin ! Ce dernier, confus, bafouillait une vague explication. Les infirmières n’avaient rien vu ! 
        
          Il y avait forcément quelqu’un qui savait…  le commissaire interrogea Nelson sur sa vie de couple. Avait-il eu des problèmes ? Pas plus que d’autres ménages, de légers conflits sauf… Le commissaire reprit :
          Sauf quoi monsieur Courtois ?

          Ce dernier repensait aux menaces de Florence. Il avait déclenché la tempête chez cette Diva tonitruante mais elle n’avait pas eu le temps matériel de s’en prendre à Serena puisqu’il venait de la voir. Tonio Perlicchi voulait en savoir davantage. Nelson raconta tout sans omettre un seul détail. Et les vêtements de sa femme ? Ils étaient là… De mieux en mieux !

          Une femme très affaiblie, en tenue d’hôpital avec une perfusion et  branchée à un électrocardiographe ne peut s’évanouir ainsi d’un hôpital ! C’est invraisemblable !

          Le commissaire d’accord avec lui :

          C’est pourquoi je suis là avec mes hommes, 

            Et sans le dire à haute voix : j’ai eu à résoudre une montagne d’affaires mais celle-ci c’est le pompon !

          La famille de Serena ? Les parents décédés alors juste une sœur cadette, Laurette, mais une vraie pollution pour leur existence, toujours à se mêler de ce qui ne la regardait pas. Habitait-elle dans la région ? A une vingtaine de kilomètres de Metz, à Boulay. Que faisait-elle ? Ce qu’elle savait faire de mieux : rien en dehors de la médisance. Et sur quoi fondait-elle ses dires ? Elle soupçonnait Nelson de voleter d’une femme à l’autre… Elle ne pouvait vivre sans cancaner. Son mari Franck était gendarme. Cela promettait d’être scabreux !

          Le commissaire avait besoin de réfléchir sérieusement à la situation et Nelson le mettait  mal à l’aise avec ses questions :

          Qu’allez-vous faire dans l’immédiat ? Il faut prendre des dispositions pour rechercher Serena au plus vite et non essayer de s’infiltrer dans la brèche trop facile du mari infidèle !

          Tonio Perlicchi connaissait son métier et ce mec nerveux commençait sérieusement à le gonfler ! Il n’avait pas l’habitude de rester dans sa bulle mais cette histoire était aussi peu claire que possible alors pour ne blesser personne, il garda son calme et demanda à tous d’en faire autant et de rentrer chez eux. Il les convoquerait plus tard à l’hôtel de police dès qu’il aurait des nouvelles, c’était une façon diplomate de les envoyer promener !

          Les enfants ne se firent pas prier, l’odeur du chloroforme commençait sérieusement à les incommoder. Dans la voiture, pour éviter le silence étouffant, Nelson alluma le poste sur une ballade de Chopin. L’art lyrique et la musique classique avaient une action bienfaisante sur son stress. Il déposa les enfants respectivement devant chez eux puis partit à la galerie de peinture de son patron. Il lui devait une explication. Tandis qu’il admirait « la femme à la balançoire bleue », un tableau d’une jeune peintre en pleine évolution, il entendit la voix de Florence….

          Ah te voilà enfin ! As-tu fini de te lamenter sur le sort de ta pauvre épouse !

          Nelson agacé répondit brutalement :

          Disparue ma femme, plus dans sa chambre à l’hôpital et personne n’a la moindre idée du qui et comment, peut-être le sais-tu toi !

          Comment Nelson pouvait-il croire une telle ânerie ? Le patron arriva et entendit les derniers mots de Florence.

          Quelle idiotie ? Qu’a encore fait ma fille ?

          Comme toujours, avec son habituel raffinement dans la cruauté d’esprit, il l’accusait de tous les maux et la dévalorisait à la moindre occasion. Par contre, il compatit à la situation de son employé et lui donna quelques jours de congé. Florence allait répliquer mais la prestance de l’homme qui donnait les ordres l’arrêta dans son élan
.
          Nelson remercia son patron et quitta  la galerie avec l’élégance d’un éléphant dans un magasin de porcelaine trébuchant sur une marche et s’affalant sur le marbre ! La journée de M…. continuait avec une barbarie insoutenable !

          Il lui fallait conjurer le sort alors il décida de se rendre à la cathédrale. Etait-il croyant ? Par à coup, par période, quand une pluie de remords le tenaillait mais là c’était pour une faveur spéciale. Il mit une pièce dans l’urne et alluma une bougie près de l’autel de Notre-Dame de Bon-Secours, une Vierge du XVIè siècle, magnifique au regard doux, incitant à la prière :

          Vierge marie, je vous en supplie, faites en sorte que ma femme soit retrouvée, je l’aime tellement et j’ai tant de choses à lui dire… 

          Soudain le son de l’orgue suspendu se fit entendre. Il fixa l’élément renaissance en nid d’hirondelle éclairé par trois rosaces et se mit à trembler. Personne ne jouait ! En fermant les yeux il vit des gargouilles grimaçantes ! Il frissonna malgré sa veste de laine. Avait-il des hallucinations ? La fatigue et l’émotion sans doute.
          Il sortit du lieu saint et se retrouva sous un ciel gris d’orage, de vent assez violent. Les surprises continuaient !  Près du bar de la Lune il prit une « douche » par la gouttière dégoulinante. Il se réfugia vite dans sa voiture. Ses efforts pour démarrer furent vains. Zut, que de désagréments en si peu de temps ! Il attendit un moment puis tira à nouveau sur le démarreur…. Cette fois le moteur se mit en route. Il ne chercha pas à comprendre et quitta lentement la place quand il entendit : Monsieur attendez !


Que lui voulait cette femme inconnue agitant les bras en hurlant :

          Monsieur vous avez oublié votre sacoche sur le toit de votre voiture !

          Il la remercia gentiment. Décidément ce n'était pas une bonne journée!

          Du coup il fit marche arrière et se gara.  Des images du passé revenaient en masse. Cet incident lui rappelait celui de 1970. Ce jour-là, il disait au revoir à Serena après une visite chez ses parents quand il regarda dans le rétroviseur et vit la jeune fille gesticuler avec la sacoche à la main.

          C'est lors de cet incident qu'il s'aperçut que Serena avait les yeux rouges, comme si elle avait pleuré. La réunion de famille s'était pourtant bien passée et dans une ambiance détendue. Il lui fit signe de monter dans la voiture :

          Qu’as-tu ma chérie ? Tes parents ont-ils des objections quant à notre relation ?

          Non, le problème était ailleurs. Elle venait d'apprendre... qu'elle était enceinte. Nelson accusa le coup puis :

                     Et bien nous allons nous marier…

          Ce n'est pas ainsi que Serena imaginait la demande en mariage, surtout pas comme une obligation.
          
          Mon amour, nous y avions pensé, nous le ferons juste un peu plus tôt que prévu. Dans le fond c’est une bonne nouvelle.

          Après ce dernier coup de théâtre, il lui proposa d’aller boire un verre au centre ville. Assis à la terrasse du bar de l’Esplanade, ils devisaient gentiment sur les modalités de la cérémonie quand il y eut de l’animation dans la rue ! Les badauds, tels des abeilles attirées par le miel, s’agglutinaient autour de deux chauffeurs en train de se battre. Quelle manifestation de brutalité pour un simple accrochage ! Il n’y avait pas de blessé, juste des dégâts matériels ! Cela provoqua un embouteillage sur le bitume et s’en suivit la grogne d’un conducteur de bus dont les passagers néerlandais se retrouvaient interrompus dans leur visite de Metz.

          Serena, complètement indifférente au problème, proposa d'aller ailleurs, elle supportait de moins en moins le paysage urbain. Même l'esplanade regorgeait de monde, c'était la cohue partout. C'est pourquoi, dès qu'elle le pouvait, elle prenait  la fuite vers la campagne. Une ballade au jardin botanique serait mieux que de battre le pavé entre les immeubles en béton. la sérénité du parc floral l'attirait depuis toujours, beaucoup de souvenirs l'y rattachaient. Comme à l'époque de son adolescence, elle aimait flâner au milieu des fleurs multicolores et odorantes.

          Un coup de klaxon strident fit chuter Nelson dans la réalité du présent. Mal garé, il prenait deux places de parking! Il haussa les épaules et démarra. Tandis qu'il passait près de la gare et remontait la rue aux Arènes, la sonnerie de son mobile retentit. Il devait se rendre à l'Hôtel de Police en urgence. Il enragea car le commissariat se trouvait non loin de la cathédrale et maintenant il devait faire demi-tour alors qu'il était presque chez lui.
                   
          Reconnaissez-vous cette écriture ?

Nelson lut avec effarement la lettre que lui tendait le commissaire Perlicchi :

         
          Nelson est pourri, si vous croyez qu’il ignore où se trouve sa femme, vous faites erreur. C’est un menteur patenté, un instable constant. Serena voulait divorcer…. Renseignez vous auprès de son amie d’enfance…

          Une source sûre



          Evidemment en parfait anonymat !


6

Culpabilité débordante

          Tonio Perlicchi reprit la lettre et interrogea Nelson. Que penser d’une telle missive ?

-        Pour répondre à votre question, non je ne connais pas cette écriture. Des élucubrations d’une personne malveillante, Serena n’a jamais parlé de divorce. Elle a bien une amie d’enfance, revue une seule fois en 2006 et après presque quarante ans de séparation ! Conny Peeters, tel est son nom, ne connait rien de notre vie. La sagesse voudrait que l’on ne tienne pas compte d’une telle absurde missive.

-        Je connais mon métier monsieur Courtois, j’y attacherai l’importance qui lui convient et comme dit le proverbe « la plus subtile folie se fait de la plus subtile sagesse ». Avez-vous un numéro de téléphone à nous communiquer pour joindre cette madame Peeters ?

-        Je ne l’ai vu qu’une fois et furtivement, Elle vit en Hollande, à Hillgom je crois. Je ne sais rien d’autre.

          Le commissaire pensif : la lettre ne vient pas des Pays-Bas, le cachet est français. Il continua :
-        Avez-vous des amis à Saint-Avold ?

-        Il fit non de la tête puis s’exclama :

-        Oui c’est elle ! Je suis sûre que c’est elle ! Laurette ma belle-sœur à des amis dans cette ville ! C’est mon ennemie acharnée ! Une adversaire tenace et d’une méchanceté à toute épreuve ! je vais aller la voir…

-        Absolument pas ! NOUS allons la convoquer. N’aggravez pas une situation très peu à votre avantage. Laissez-nous faire notre métier. Rentrez chez vous.

          Chez lui ! Il déambulait d’une pièce à l’autre complètement désemparé dans cette maison vide. Serena où es-tu ? Comment avons-nous pu en arriver là ? Quel épouvantable fiasco!

          La culpabilité montait en degré. Depuis si longtemps il essayait de se faire pardonner son erreur de parcours et Serena tentait de l’oublier. Le jeu du chat et de la souris depuis des années risquait d’avoir une fin dramatique. Il se sentait responsable de cet échec cuisant de leur vie commune. Avec le temps il pensait retrouver la complicité qui existait entre eux mais à chacun de ses retards, même pour dix minutes, elle explosait et le doute qu’il voyait dans son regard l’anéantissait. Il aurait tant voulu ne jamais avoir commis cet adultère ! Trop entière, trop
Intransigeante, Serena ne parvenait à le lui pardonner. Il l’aimait comme un fou pourtant, savoir qu’elle allait lui faire encore et toujours des reproches lui ôtait tout plaisir de rentrer chez lui le soir. Partir six mois, avec elle, dernier recours avant la retraite, ailleurs, hors du cadre habituel aurait pu faire renaître une certaine joie dans le couple car vivre avec elle de jour et de nuit l’affolait dans la situation actuelle. Aurait-elle accepté ?

          Machinalement il prit le courrier qu’il venait de poser sur le guéridon de l’entrée. Une enveloppe bleu-ciel attira son attention. Le timbre oblitéré indiquait Sarre-Union. Comme celle arrivée au commissariat, l’adresse et le texte étaient d’une écriture inconnue. A regarder de plus près, peut-être écrite de la main gauche…

Très cher Nelson

Crois-tu pouvoir t’en sortir après avoir fait tant de mal à ta femme ? Tu sais parfaitement pourquoi elle a disparue et tu vas payer le prix fort. Tu vas souffrir comme tu l’as fait souffrir. Nous allons t’offrir une fin de vie exceptionnellement pénible !

A bon entendeur salut

  Nelson trébucha sur le Nous… Il appela aussitôt le commissaire.



Nouveaux éléments suite

          L’affaire prenait une autre tournure, un éclairage différent. Une petite lumière venait de s’allumer dans le cerveau inspiré de Tonio Perlicchi. Nelson ne savait sur quel pied danser. Que diable insinuait ce commissaire ? Connaissait-il le lac de Pierre Percée ? Ou son village ? Un minuscule temps d’arrêt,  Nelson Courtois comprit où voulait en venir le policier et répondit :

-        J’y connais surtout l’hôtel restaurant « Le chalet », un endroit paisible en dehors des périodes estivales.

          Qu’y faisait-il ? Y allait-il avec son épouse ? Voilà, les ennuis commençaient. Non, pas avec Serena…. Il avait oublié cette escapade en solitaire… ou presque…. Un rendez-vous pris sur Internet un jour où il devait se rendre dans la région. Elle s’appelait Annabelle, une férue de peinture moderne et artiste elle-même. Cela faisait bientôt dix ans ! Quel rapport avec l’enquête ?

-                         - C’est ce que nous voudrions savoir monsieur Courtois ! Cette femme vient de se faire arrêter pour vente de faux tableaux. Dans les trouvailles de la perquisition votre carte de visite, parmi d’autres, trouvée épinglée sur l’abat-jour d’un lampadaire de son appartement, des clients sans doute….

          Accusé de trafic d’œuvres d’art ! Vraiment n’importe quoi ! Oui il dirigeait une galerie mais aucune toile de cette femme ! Le policier croyait-il Serena enlevée à cause d’une malversation ? C’était ridicule ! D’abord sa femme ne connaissait pas l’existence d’Annabelle, et cette dernière pas davantage Serena. Et Florence ? Non, elle ignorait tout de cette aventure de quelques jours. Quand avait-il vu pour la dernière fois Annabelle ? Bon sang ! Il venait de le dire ! Il y avait dix ans !

-         - Restez calme monsieur Courtois, nous sommes dans l’attente de réponses claires et nettes suite à ces nouvelles informations. Merci de nous raconter votre séjour avec l’accusée.

          Nelson fit appel à sa mémoire. En 2004, Il n’en pouvait plus du stress à la maison, cela faisait un an que Serena lui reprochait jour et nuit son aventure extraconjugale. Elle passait de la plus grande joie à la plus profonde morosité. Il s’inscrivit sur un site pour échanger des conversations amicales et fit la connaissance d’Annabelle. Ils avaient un sujet commun : les arts. Comme il devait se rendre dans les Vosges, il prévint la jeune femme de son passage. Le petit bourg, en légère altitude, n’était pas très peuplé, à peine une centaines d’habitants hors saison.

         Quant au restaurant « Le Chalet »,  il ressemblait tout à fait à son nom et offrait une façade aux volets bleus et balcon fleuri en bois très typiques de la région.  Cet hôtel, surplombait le lac de Pierre-Percée et offrait un panorama unique sur la forêt verdoyante vosgienne. De sa chambre la vue était magnifique. Le décor et les meubles étaient campagnards tout comme pour le restaurant où il attendit Annabelle le premier jour. Elle était encore plus jolie que sur la photo qu’elle lui avait envoyée par mail. Vêtue d’un ensemble pantalon grège, les cheveux retenus par un catogan, un regard dont la clarté azuréenne et un sourire franc le charmèrent immédiatement.

          Le commissaire l’interrompit :

-        - Ce fut donc le début d’une nouvelle infidélité ? J’admire votre constance dans le chaos ! Vous aimiez passer des nuits dangereuses ! Et à l’aube ? Pas le moindre scrupule vis-à-vis de madame Courtois ? Avez-vous revu cette personne après cette escapade ?

-        Absolument pas ! Nous nous sommes quittés bons amis puis il ajouta :

          - Il est vrai qu’elle voulait venir à Metz pour une exposition de toiles célèbres au centre Pompidou mais si elle est venue il l’ignorait…



-             - Beau mensonge monsieur Courtois, vous avez forcément eu de ses nouvelles récemment car le centre Pompidou n’existait pas en 2004…. Nous allons donc organiser une confrontation demain…. En attendant, je vous mets en garde à vue…

8

Confrontation houleuse



          Après une nuit d’isolation forcée, Nelson ne comprenait toujours pas ce qu’il faisait là. Bien sûr Annabelle l’avait rappelé, quel idiot de s’être laissé piéger par le commissaire ! Deux mois après leur « aventure » la jeune femme lui avouait être enceinte. Elle désirait le revoir et en parler. Il ne voulait pas qu’elle garde cet enfant mais par crainte de la voir faire un scandale, il tempéra la situation, toujours au téléphone car il n’était pas question de la revoir. Si Serena apprenait cette nouvelle infidélité ce serait un drame en chaîne !


           Puis, lors d’une réunion de famille, il reçut un appel étrange, une enfant lui souhaitait : « Joyeux Noël papa ». Il se retrouvait face à la confrontation d’une réalité qui rendait moins conviviale la soirée ! Le repas avait un goût amer de complications. Serena s’approcha, il raccrocha très vite : Une erreur… Il se retrouvait seul face au problème, impossible de trouver du soutien autour de lui !

          Quand plus tard, seul, il appela Annabelle, elle confirma que la petite Léa était bien sa fille. Mais pourquoi se manifester après toutes ces années ? Parce que la petite avait demandé à sa mère qui était son père et qu’elle ne voulait pas lui mentir. Dernier espoir pour Nelson : quel âge avait-elle ? Neuf ans… Que voulait-elle ? Oh rien ! Juste qu’il soit au courant de l’existence de Léa. Avait-elle besoin d’argent ? Non… Annabelle allait se marier et son futur époux voulait adopter Léa. Nelson ne comprenait pas sa démarche. Elle hésita un instant et d’une voix pleine d’humilité, dit : Léa porte ton nom, je ne l’ai pas déclaré de père inconnu et j’ai besoin de ton autorisation pour la procédure d’adoption….

          Nelson fit le récit complet de cette histoire au commissaire. Ce dernier lui fit remarquer qu’Annabelle n’était pas mariée, et qu’il n’y avait aucune trace d’enfant dans l’appartement de l’accusée et aucun papier spécifiant qu’elle fut mère un jour. Incroyable ! Qui donc l’avait appelé, une enfant c’était certain, mais qui ? Et surtout pourquoi ? Avait-il signé des papiers ? Juste envoyé une lettre de désistement de paternité à Annabelle avec une photocopie de ses papiers d’identité.

          Tonio Perlicchi pensait : beau personnage qui se débarrasse de sa fille sans l’avoir vue !Comme si Nelson avait entendu cette phrase :

-        - Commissaire, je n’avais pas le choix, Serena m’en voulait toujours pour une autre infidélité, j’étais bloqué.

          - Cela n’explique pas la carte de visite de votre bureau trouvée dans l’appartement à Pierre percée, monsieur Courtois !

          Il l’avait envoyé à Annabelle au cas où il y aurait un problème avec l’adoption. Et jamais il n’avait revu sa maitresse ? Non ! Elle s’était bien moquée de lui ! Son orgueil de mâle en prenait un coup ! Bienvenu dans la confrérie des imbéciles !

          Le commissaire, qui avait demandé le transfert d’Annabelle car cette femme semblait liée à son affaire, appela un agent et… soudain Nelson se retrouva face à une femme vulgaire en qui il ne reconnut pas immédiatement Annabelle ! Avec arrogance elle s’adressa à lui :

          - Je te méprise, à cause de toi ma fille a eu un accident !

          Nelson allait répondre mais Tonio Perlicchi l’arrêta :

          - Madame que reprochez-vous vraiment à Nelson Courtois ?

       - Ce salaud avait refusé d’assumer ses responsabilités quand j’étais enceinte et sa femme n’avait pas voulu me croire jusqu’à… Maintenant c’est à lui de souffrir !

          Quoi ? Nelson faillit s’étrangler ! Jamais Serena n’avait abordé ce sujet ! Elle mentait !

          - Oh non mon cher Nelson ! Ta femme sait tout depuis le début ! Elle a d’ailleurs vu ta fille à l’hôpital le jour de l’accident…. Je voulais te parler mais comme tu étais absent c’est elle qui est venue ! J’ai tout appris sur tes aventures…. Pauvre femme, elle a perdu d’un coup toutes ses illusions !  Je suis allée la voir à la clinique à Metz, quelqu’un m’avait averti de son malaise…. Tu ne la reverras jamais !

          Cette dernière phrase fit tilt dans l’esprit du commissaire :

          - Savez-vous où se trouve madame Courtois ? Et où est votre fille ?

          - Ma fille se trouve avec ma sœur et son mari, c’est eux qui l’ont adoptée. Je savais qu’un jour j’aurais des ennuis avec mes « reproductions »… Les gens avec qui je travaille ne sont pas des tendres ! Je devais la protéger…

          Nelson perdit les pédales et fonça sur Annabelle ! Deux agents l’obligèrent à reculer tandis qu’il criait :

          - Espèce de dingue, qu’as-tu fait de ma femme ?

          Une inspectrice arriva dans le bureau et parla en aparté au commissaire. Ce dernier fronça les sourcils, apparemment pas une bonne nouvelle…. Il demanda aux agents de remettre Annabelle en cellule et s’adressa à Nelson….

          - Nous avons retrouvé votre épouse… je suis désolé… Il vous faut nous accompagner à la morgue pour la reconnaissance du corps….

          Nelson poussa un cri de bête blessée à mort ! Ce n’était pas possible ! Ce n’était pas elle ! Que s'était-il passé ? 
          
Il eut la réponse une heure plus tard, complètement effondré, il apprit qu’elle avait été retrouvée dans une pièce de l’hôpital très peu fréquentée, qui servait surtout de débarras, derrière un monceau de cartons.. Elle s’était suicidée en s’ouvrant les veines, Selon les premières constatations avant l’autopsie.

          Tonio Perlicchi pensa : Je n'aime pas   les enquêtes qui finissaient ainsi ! Il est temps que je prenne ma retraite !

Epilogue de cette dernière enquête

          Annabelle fut jugée et enfermée après un verdict de dix ans de réclusion.

          Nelson perdit peu à peu la raison ; la maladie d’Alzheimer l’ayant touché après le choc émotionnel dû décès de son épouse. La grande faucheuse le prit entre ses griffes deux ans plus tard et il trouva enfin le repos.

FIN
        

      


Texte non libre de droit

1 commentaire:

  1. une histoire que je n'ai pas suivi le début mais tu as tjs autant de talent

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